jeudi 16 avril 2009

...tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie...

Les yeux d'Elsa

tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
j'ai vu tous les soleils s'y mirer
s'y jeter à mourir tous les désespérés
tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire

à l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent 
l'été taille la nue au tablier des anges
le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
sept glaives ont percé le prisme des couleurs
le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
l'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
par où se reproduit le miracle des Rois
lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
le manteau de Marie accroché à la crèche

une bouche suffit au moi de Mai des mots
pour toutes les chansons et pour tous les hélas
trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

l'enfant accaparé par les belles images
écarquille les siens moins démesurément
quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
on dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
des insectes défont leurs amours violentes
je suis pris au filet des étoiles filantes
comme un marin meurt en mer en plein mois d'août

j'ai retiré ce radium de la pechblende
et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
O paradis cent fois retrouvé reperdu
tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
sur des récifs que les naufrages enflammèrent
moi je voyais briller au-dessus de la mer
les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

Les Yeux d'Elsa, Louis Aragon


6 commentaires:

green eyes a dit…

ouf, ouf, ouf !!! trop beau, trop beau trop beau
J'ai presque envie de te dire merci
biz

Pr B. a dit…

puisque j 'y suis, je t'en met un petit, qui n'a rien à voir, mais qui est chanmé vener, et que je voulais te mettre depuis un petit bout de temps :

"Les riches n'ont pas besoin de tuer eux-mêmes pour bouffer. Ils les font travailler les gens comme ils disent. Ils ne font pas le mal eux-mêmes, les riches. Ils payent. On fait tout pour leur plaire, et tout le monde est bien content. Pendant que leurs femmes sont belles, celles des pauvres sont vilaines.
C'est un résultat qui vient des siècles, toilettes mises à part. Belles mignonnes, bien nourries, bien lavées; Depuis qu'elle dure la vie n'est arrivée qu'à ça.
Quand au reste, on a beau se donner du mal, on glisse, on dérape, on retombe dans l'alcool qui conserve les vivants et les morts, ON ARRIVE A RIEN. C'est bien prouvé.
Et depuis tant de siècles qu'on peut regarder nos animaux naître, peiner et crever devant nous sans qu'il leur soit arrivé à eux non plus jamais rien d'extraordinaire que de reprendre sans cesse la même insipide faillite où tant d'autres animaux l'avaient laissée. Nous aurions pourtant du comprendre ce qui se passait. Des vagues incessantes d'êtres inutiles viennent du fond des âges mourir tout le temps devant nous, et cependant on reste là, à espérer des choses...Même pas bon à penser la mort qu'on est.
Les femmes des riches bien nourries, bien menties, bien reposées elles, deviennent jolies. Ca c'est vrai. Après tout ça suffit peut être. On ne sait pas. Ca serait au moins une raison pour exister";

Et la nouvelle devinette du crew c'est : QUI A ECRIT CA ???
Si Antonin trouve pas, je suis blasé !!!

Anonyme a dit…

"Toute une nuit j'ai cru tant son front était blème
Tant le linge semblait son visage et ses bras
Toute une nuit j'ai cru que je mourais moi-même
Et que j'étais sa main qui remontait le drap

Celui qui n'a jamais ainsi senti s'éteindre
Ce qu'il aime peut-il comprendre ce que c'est
Et le gémissement qui ne cessait de plaindre
Comme un souffle d'hiver à travers moi passait

Toute une nuit j'ai cru que mon âme était morte
Toute une longue nuit immobile et glacée
Quelque chose dans moi gisait comme une porte
Quelque chose dans moi comme un oiseau blessé

Tout une nuit sans fin sur ma chaise immobile
J'écoutais l'ombre et le silence grandissant
Un pas claquait parfois le pavé de la ville
Puis rien qu'à mon oreille une artère et le sang

Il a passé sur moi des heures et des heures
Je ne remuais plus tant j'avais peur de toi
Je me disais je meurs c'est moi c'est moi qui meurs
Tout à coup les pigeons ont chanté sous le toit"

Louis Aragon

...Ouplalaa... a dit…

@ green-eyes: merci oui! mais ne t'en déplaise, Elsa devait quand même avoir les yeux bleus!

@ Pr. B.: je l'ai sur le bout de la langue, je crois, mais on va laisser Antonin se creuser un peu !
Antonin??

@ anonyme: je t'ai reconnu !! qui l'eut cru (ahah!!) ?? (merci!!)

Anton1 a dit…

Céline ?

Pr Billaudov a dit…

bien joué !!!!!!!!!! Antonin, Premier sur Céline, jusqu'au bout de la nuit !!!