mardi 31 mars 2009

lundi 30 mars 2009

...les trois quarts du corps dans la tombe...

quand j'aurai les trois quarts du corps dans la tombe, je dirai ce que je pense des femmes, puis je rabattrai vivement sur moi la dalle du caveau

Tolstoï

jeudi 26 mars 2009

...une liberté qui n'est pas la mienne...

Ainsi, être vu me constitue comme un être sans défense, pour une liberté qui n'est pas ma liberté. C'est en ce sens que nous pouvons nous considérer comme des "esclaves" en tant que nous apparaissons à autrui. Je suis esclave dans la mesure où je suis dépendant dans mon être au sein d'une liberté qui n'est pas la mienne et qui est la condition même de mon être. 
En tant que je suis objet de valeurs qui viennent me qualifier sans que je puisse agir sur cette qualification, ni même la connaître, je suis en esclavage...
Du même coup, en tant que je suis l'instrument de possibilités qui ne sont pas mes possibilités, dont je ne fais qu'entrevoir la pure présence par delà mon être, et qui nient ma transcendance pour me constituer un moyen vers des fins que j'ignore, je suis en danger. Et ce danger n'est pas un accident mais la structure permanente de mon être pour autrui.

Huis-clos, Jean-Paul Sartre

jeudi 19 mars 2009

...un sain pour soi-même...

avant tout, être un grand homme et un sain pour soi-même

Baudelaire, Oeuvres posthumes, Mon coeur mis à nu

mercredi 18 mars 2009

...il suffit d'une ou deux secondes...

je tombe, je tombe, je tombe 
avant d'arriver à ma tombe
je repasse toute ma vie
il suffit d'une ou deux secondes
que dans ma tête tout un monde
défile tel que je le vis
ses images sous mes paupières
font comme au fond d'un puits, les pierres
dilatant l'iris noire de l'eau
c'est tout le passé qui s'émiette
un souvenir sur l'autre empiète
et les soleils sous les sanglots
O pluie, O poussière impalpable
existence couleur de sable
brouillards de respirations
quel choix préside à mon vertige
je tombe et fuis dans ce prodige
ma propre accélération 

Aragon, Le roman inachevé

mardi 17 mars 2009

...ambitieux par vanité...

ambitieux par vanité, laborieux par nécessité, mais paresseux...avec délices ! 

Beaumarchais, Le mariage de Figaro

lundi 16 mars 2009

...ils ont fait sauter tous les verrous...

qu'allait-il se passer à présent? Pendant un instant, ce fut le vide. Le silence, le cercueil, la foule ivre d'émotion. Puis Lisa s'est levée, a monté les quelques marches et, depuis le lutrin, a annoncé: "Le dernier mouvement de la Troisième Symphonie de Malher." C'est tout. Ils ont fait sauter tous les verrous. Ils ont passé du Malher. 
Or il y a des fois où l'on ne peut pas écouter du Malher. Quand il vous soulève, quand il vous secoue, il va jusqu'au bout. À la fin du mouvement, tout le monde pleurait. 
Pour ma part, en tout cas, je crois que rien d 'autre au monde n'aurait pu me déchirer autant, sauf d'entendre Steena Palsson dans sa version de The Man I Love, tel qu'elle l'avait interprété au pied du lit de Coleman, dans Sullivan Street, en 1948.

Philip Roth, La tâche

samedi 14 mars 2009

...Jupiter...

il est plus facile d'imiter Jupiter que Lao-tseu

Cioran, Aveux et Anathèmes

lundi 9 mars 2009

...je voudrais pas crever...

je voudrais pas crever 
avant d'avoir connu
les chiens noirs du Mexique
qui dorment sans rêver
les singes à cul nu
dévoreurs de tropiques
les araignées d'argent
au nid truffé de bulles
je voudrais pas crever
sans savoir si la lune
sous ses faux airs de thune
à un coté pointu
si le soleil est froid
si les quatre saisons
ne sont vraiment que quatre
sans avoir essayé de porter une robe
sur les grands boulevards
sans avoir regardé
dans un regard d'égout
sans avoir mis mon zobe
dans des coinstrots bizarres
je voudrais pas finir 
sans connaître la lèpre
ou les septs maladies
qu'on attrape là bas
le bon ni le mauvais
ne me feraient de peine
si si si je savais
que j'en aurai l'étrenne
il y a un z aussi
tout ce que je connais 
tout ce que j'apprécie
que je sais qui me plaît
le fond vert de la mer
où valsent les brins d'algues
sur le sable ondulé
l'herbe brulée de juin
la terre qui craquelle
l'odeur des connifères
et les baisers de celle
que ceci que cela
mon ourson, mon Ursulla
je voudrais pas crever
avant d'avoir usé
sa bouche avec ma bouche
son corps avec mes mains
le reste avec mes yeux
j'en dis pas plus faut bien
rester révérencieux
je voudrais pas mourir
sans qu'on ait inventé
les roses éternelles
la journée de deux heures
la mer à la montagne
la montagne à la mer
les journaux en couleurs
tous les enfants contents
et tant de trucs encore
qui dorment dans les crânes
des géniaux ingénieurs
des jardiniers joviaux
des soucieux socialistes
des urbains urbanistes
et des pensifs penseurs
tant de choses à voir 
à voir et à z-entendre
tant de choses à attendre
à chercher dans le noir
et moi je vois la fin
qui grouille et qui s'amène
avec sa gueule moche
et qui m'ouvre ses bras 
de grenouille bancroche
je voudrais pas crever
non monsieur, non madame
avant d'avoir tâté
le goût qui me tourmente
le goût qu'est le plus fort
je voudrais pas crever
avant d'avoir goûté
la saveur de la mort

Boris Vian, je voudrais pas crever

vendredi 6 mars 2009

jeudi 5 mars 2009

...la même anxiété, mais purement morale...

et, à nouveau, ce fût la même anxiété, mais purement morale, analogue seulement à l'étrange tourment qui précède la nausée. C'était pénible, écrasant. Il me semblait que j'avais peur de la mort, mais devant la vie je tremblais plus encore. Imperceptibles, la vie et la mort s'amalgamaient, s'unissaient (...). Il n'y avait pas une goutte de bonté en moi et je ne ressentais qu'une animosité égale et calme, comme moi-même et contre celui qui m'avait créé. Qui était-ce? on dit que c'est Dieu...Dieu ! Priez me rappelai-je ! Et je ne croyais à rien... Je me mis donc en prières (...) Je recommençais à vivre comme auparavant. Cependant, la peur de la peur était toujours latente en moi. Comme un enfant récite par coeur une leçon apprise par habitude, il me fallait vivre, vivre afin de ne pas retomber sous l'emprise de la terrible sensation qui, pour la première fois, m'avait saisi à Arzamas.

Leon Tolstoï, Mémoire d'un fou

mercredi 4 mars 2009

...peu d'idées...

beaucoup de gens, peu d'idées, et comment faire pour se distinguer des autres? 

L'immortalité, Milan Kundera

lundi 2 mars 2009

...à la merci d'un courant violent...

I have ventur'd
Like little wanton boys that swim on bladders, 
This many summers in a sea of glory, 
But far beyond my depth. My high-blow pride
At length broke under me, and now has left me, 
Weary and old with service, to the mercy
Of a rude stream that must ever hide me.

Henri VIII, Act III, scene 2, Shakespeare

Comme ces gamins espiègles qui 
nagent sur des vessies, 
je me suis aventuré depuis nombre d'étés
sur un océan de gloire où j'ai
perdu pieds. 
Mon orgueil gonflé d'air a fini 
par crever sous moi, et me laisse
maintenant épuisé et vieilli par les labeurs, à la merci
d'un courant violent qui doit m'engloutir à jamais.